L’amour en entreprise : un tabou ou une exigence ?
Publié le 23 septembre 2022
Il faut convenir que le mot n’est politiquement pas correct. Même s’il incarne de belles émotions, l’amour est sans doute mal perçu parce qu’il est confondu avec la sexualité qui lui est quasiment opposé : l’un est désir quand l’autre est grâce. Il existe donc des croyances ancestrales dont notre monde « libéré » pourrait commencer à se défaire. Hier, nous avons prouvé notre force et notre solidarité pendant des mois de pandémie qui nous ont isolés ; aujourd’hui, nous prenons des décisions qui nous identifient Européens et solidaires face à la guerre qui anéantit un pays. C’est donc aujourd’hui, plus que jamais que les mots qui témoignent que nous nous aimons doivent se dire et se vivre. Pour ce faire, commençons par modifier la sémantique de l’entreprise.
LA SÉMANTIQUE DE LA GUERRE
Déjà, le monde de l’entreprise est présenté comme impitoyable : la sémantique de la guerre est plus volontiers utilisée que celle de l’amour (le client est une cible, la concurrence une guerre commerciale et la rentabilité une guerre économique).
Dans le cœur au travail : Essai sur les émotions en milieu professionnel, Cécile Sarfati et Roland de Saint Etienne ont mené une enquête en ligne auprès de 1168 actifs. La synthèse des perceptions des salariés interrogés fait ressortir les croyances suivantes :
- les émotions épuisent,
- les relations hiérarchiques faussent les cartes,
- il y a moins de performance,
- ce n’est pas raisonnable,
- cela donne une mauvaise image de la personne,
Même si les auteurs ne cachent pas leur désarroi, ils restent optimistes en précisant qu’il reste possible de parler d’émotions, de cœur, de sentiment, de gentillesse, de générosité. J’insiste volontiers : puisque nous savons parler de l’amour du travail bien fait ou de l’amour de notre métier, ne nous privons pas de parler de l’amour des uns et des autres. Prenons conscience que l’amour est une énergie positive qu’il est nécessaire de libérer au sein même de l’entreprise.
LES BIENFAITS
Les bienfaits de l’amour sont eux aussi ancestraux ! Selon Aristote, « aimer, c’est se réjouir ». L’amour jouit et se réjouit de l’existence de l’autre. Aimer l’autre, c’est se décentrer de soi-même pour lui donner une place et lui témoigner de sa confiance. Une manière simple de se retrouver soi-même en confiance. Ce sentiment de sécurité vécu de manière réciproque déplace des montagnes. Y verrait-on un avantage co-latéral pour l’entreprise qu’il n’y aurait qu’un pas. « L’amour est joie » nous rappelle Spinoza, et nous en aurions tous grandement besoin pour traverser ces crises successives qui nous malmènent.
LES CONDITIONS
Il ne s’agira pas de regarder quelles sont les conditions, mais plutôt de créer les conditions pour faire rentrer l’amour dans vos entreprises. La bonne nouvelle, c’est que bon nombre de celles-ci a déjà ouvert la porte de la bienveillance. Si le mot est couramment utilisé aujourd’hui (plus d’un million d’entrées sur Google), Saint Thomas d’Aquin (XIIIème s.) en avait déjà précisé la teneur : « Dans la bienveillance, on aime l’autre pour son bien à lui. » Celui qui donne plus à l’autre qu’à lui-même aime éperdument.